"Je vends un morceau de tissu et beaucoup de bien-être"

Elle rayonne d’énergie et sous les mots on sent une envie d’avancer sans cesse. C’est vrai dans chaque aspect de la vie de Wendy Rosseel : son travail, sa vie. Lorsqu’on lui a diagnostiqué un cancer en 2008, le monde s’est brusquement arrêté. Mais cela n’a duré qu’un moment : après le bouleversement, elle a vite bouillonné d’idées qui l’ont conduite à créer sa propre marque, Rosette la Vedette : une collection inédite de foulards et bonnets chimio pour les patients atteints de cancer.

« Lorsque j’ai eu un cancer et que mes cheveux sont tombés sous l’effet de la chimiothérapie, j’ai su tout de suite que je ne voudrais pas porter de perruque. J’avais envie d’un foulard ou d’un bonnet, mais rien ne correspondait à mes envies. Tout était tristounet, démodé. Ma mère a alors sorti sa machine à coudre pour me confectionner des bonnets sur mesure. Autour de moi, les réactions ont été très positives. C’est comme cela qu’a grandi l’idée de lancer ma propre marque et une boutique en ligne. Avant de lancer vraiment Rosette la Vedette, deux ans se sont écoulés. Après la fin de mon traitement, j’étais très heureuse d’être « normale » à nouveau et de retrouver mon emploi dans la communication. Pendant deux ans, l’idée a continué de trotter dans ma tête, et j’ai compris : il y avait vraiment quelque chose à faire. »

Qu’est-ce-qui vous a poussé à créer Rosette la Vedette ?

Je sentais qu’il y avait un besoin, que ce produit était nécessaire pour certaines personnes. C’est un sentiment un peu étrange : bien sûr, je préférerais que personne n’ait besoin de ces bonnets. Mais je sais personnellement quelle différence cela peut faire de se sentir bien dans son apparence, surtout quand on est malade. Quand je vois des femmes porter mes bonnets, je trouve qu’elles ont l’air bien dans leur peau. Je crée des collections pour cacher la calvitie, mais surtout pour aider les patients à se sentir fiers d’eux et à surmonter leur embarras. Je vends un petit morceau de tissu, et beaucoup de bien-être. Je ne peux pas guérir les femmes, mais je peux les aider à contrôler leur apparence.

L’envie de lancer quelque chose sur le marché a aussi joué. Dans mon métier de communicante, je ne pouvais influer que sur une toute petite partie d’un projet ou d’une marque. J’œuvrais à la dernière étape, et j’avais envie pour une fois d’agir au cœur des choses. Mais je ne me voyais pas me lancer là-dedans avant longtemps, disons après ma crise de la cinquantaine (rires). Quand je suis tombée malade, les pièces du puzzle se sont enfin assemblées.

La maladie vous a-t-elle changée ? De manière positive ?

Soyons encore plus radical : elle ne m’a changée qu’en bien. Bien sûr, il n’y avait absolument rien de positif à court terme. Vous êtes malade et vous n’y pouvez rien. Il n’existe pas de mode d’emploi expliquant comment vivre un tel bouleversement. Mais plus le temps passe, plus la maladie s’éloigne, plus on voit comment on en sort marqué positivement.

Vous avez un exemple ?

Pendant ma maladie, j’étais très fatiguée et j’étais obligée de revoir chaque jour ce que je voulais faire. J’avais tout juste assez d’énergie pour faire deux-trois choses par jour. J’ai appris à écouter mon corps et à me ménager. J’ai aussi appris à suivre mon instinct. Est-ce que cela m’enthousiasme ? Est-ce que cela peut me donner de l’énergie ? Avant mon cancer, j’endossais un rôle après un autre : après mes études j’ai commencé mon premier boulot, et puis un autre, sans vraiment réfléchir. Le cancer m’a appris à faire des choix en toute conscience. Il m’a aussi apporté la conviction qu’on ne choisit pas ce qui nous arrive, mais que ce que l’on choisit, c’est la façon dont on vit cette histoire, comment on fait avec.

Quels conseils ou astuces vous ont aidée pendant votre maladie ?

Lorsque j’ai compris que j’allais subir une chimiothérapie, je me suis sentie coincée. J’en avais déjà vu les effets autour de moi, dans mon entourage. Le médecin m’a alors dit cette phrase rassurante : « Wendy, vous n’allez pas perdre le contrôle : vous allez juste nous le passer un moment, et nous vous le rendrons après. » Cela m’a énormément aidée. Je suis une personnalité qui veut tout contrôler, mais j’ai appris à lâcher prise et à faire confiance quand je me sens bien entourée. Cette pensée m’aide encore aujourd’hui. Mon instinct est l’élément moteur de mon entreprise. En faisant confiance à une équipe d’experts, on parvient à de bien meilleurs résultats. Cela ne signifie pas perdre le contrôle. J’ai rassemblé autour de moi une équipe fantastique. D’un seul coup de téléphone, on résout les problèmes, on planifie la nouvelle saison…

Que préférez-vous dans votre métier ?

L’aspect créatif. J’ai le loisir de choisir des tissus et des couleurs deux fois par an. J’essaye d’imaginer comment le tissu va se draper sur la tête de mes clientes. Je suis par exemple très satisfaite de ma collection d’automne : pour moi, c’est la meilleure que j’aie créée. Les couleurs et les imprimés sont absolument parfaits.

Comment vous différenciez-vous des autres foulards et bonnets ?

Je ne me laisse pas submerger par l’approche médicale ou par l’auto-apitoiement. Je veille naturellement à ce que mes bonnets soient de bons produits : ils ne doivent pas irriter le cuir chevelu, ils doivent être doux et offrir du volume. Mais les imprimés audacieux et colorés sont ma marque de fabrique. À mon avis, j’ose plus que les autres. J’ai une approche différente du modèle grâce à ma propre expérience qui me guide.

Xandres vous a élue femme inspirante. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les gens dont je m’inspire et dont je m’entoure sont conscients de ce qu’ils sont capables de faire ou non et s’en satisfont. S’ils irradient autant d’énergie, c’est parce qu’ils entreprennent des choses qu’ils aiment faire et qu’ils font bien. Discuter avec de telles personnes me donne de l’énergie. Et puis, je les trouve apaisantes dans le sens où elles ne se sentent pas obligées de faire quelque chose mais suivent leurs envies. C’est ce mélange d’énergie et de sérénité qui m’attire.

Xandres est partenaire de Pink Ribbon, l’association qui sensibilise au cancer du sein et a fait d’octobre le mois du cancer du sein. Que représente Pink Ribbon pour vous ?

La sensibilisation est très importante. Dans notre pays, le cancer du sein est la forme de cancer la plus répandue chez les femmes. Proportionnellement à l’échelle du monde, c’est en Belgique qu’il est le plus prévalent. Cette forme de cancer est du reste relativement facile à déceler quand on en connait les symptômes. Voilà pourquoi il faut que le cancer du sein reste un sujet de conversation. Grâce aux campagnes, les gens sont conscients que la maladie peut survenir, ils apprennent à la reconnaître, ce qui augmente les chances de survie. Il faut également que le cancer du sein ne soit plus un sujet tabou : nombreux sont ceux qui ne savent pas comment réagir lorsque la maladie affecte quelqu’un de leur entourage.

 

(Interview parue dans le magazine en ligne 'Femmes inspirantes' de Xandres - octobre 2016: https://www.xandres.com/fr/inspiration/inspiring-women/)

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