Les changements de goût et d’odorat causés par la chimiothérapie ou d’autres médicaments : beaucoup de personnes atteintes de cancer en souffrent, parfois avec une grande frustration. Plus rien n’a le même goût qu’avant et l’appétit disparaît. Nous avons posé la question à Sophie Hoste, diététicienne en oncologie à l’UZ Leuven. Elle nous partage ses conseils face à quelques problèmes fréquents. « Mais sachez qu’il faut toujours un peu expérimenter. Le goût et l’odorat sont tellement personnels qu’il n’existe pas de recette universelle. »
« Tout ce que je mange a un goût affreux après la chimio »
Sophie Hoste : « Si vos repas ont un goût désagréable, il est possible que votre bouche soit asséchée. Il est donc essentiel de bien boire. De l’eau, sauf si vous avez du mal à maintenir votre poids – ce qui est fréquent. Dans ce cas, des boissons sucrées, du jus de fruit ou du lait chocolaté sont de bonnes options.
Autre astuce : les aliments frais et acidulés. Un peu de yaourt, un morceau de fruit, une feuille de menthe dans la bouche ou quelques rondelles de concombre dans un verre d’eau peuvent neutraliser ce goût désagréable.
Beaucoup de patients souffrent aussi de muqueuses irritées ou d’aphtes liés au traitement. Signalez-le à votre médecin, qui pourra vous prescrire un bain de bouche adapté. Et plus vos dents et votre bouche sont soignées, meilleur sera le goût des aliments. Un brossage minutieux est donc indispensable. Avant de commencer votre traitement, un contrôle chez le dentiste est également recommandé. »
« Mon repas a un goût trop sucré, trop salé, trop acide… »
« La chimiothérapie ou certains médicaments peuvent rendre les saveurs soudain très intenses. Nous conseillons alors d’aller dans le sens de ce goût dominant. Si tout vous semble salé, mangez plutôt des aliments salés. C’est plus agréable si une tranche de salami paraît encore plus salée que si votre dessert a soudain un goût de sel. Choisissez donc des aliments qui se rapprochent de la saveur qui prédomine chez vous. »
« Tout est fade et sans goût. »
« Pour certaines personnes, chaque assiette se transforme en une bouillie insipide. Dans ce cas, la seule solution est d’assaisonner davantage ! Soyez plus généreux avec le sel et le poivre, ajoutez une cuillère de moutarde ou quelques cornichons. Ces exhausteurs de goût réveillent vos papilles et vous aideront à manger quelques bouchées de plus pendant le traitement. »
« J’ai un goût métallique dans la bouche. »
« De nombreux patients signalent un goût de métal en mangeant. L’astuce la plus simple est alors d’éviter les couverts en métal. Préférez des ustensiles en plastique ou en bambou. Là aussi, les aliments frais et acidulés peuvent être utiles. »
« Rien qu’à l’odeur de la cuisine, j’ai la nausée. »
« Les odeurs de cuisson peuvent couper l’appétit, voire provoquer des nausées. Une solution est de ne pas cuisiner soi-même – mais pour une personne seule, ce n’est pas toujours facile. Les plats préparés peuvent alors être une option. Vous pouvez aussi rester dans une autre pièce ou sortir pendant la cuisson.
Autre conseil : manger vos plats tièdes, voire froids. Plus un plat est chaud, plus il libère d’odeurs. »
« Je n’ai plus du tout d’appétit. »
« Quand la nourriture ne vous attire plus, il est difficile de se motiver à finir son assiette. C’est normal. Mais il reste crucial de manger suffisamment. Nous conseillons de manger “à l’horloge”, même sans appétit. Ce n’est pas agréable, mais nécessaire.
Autre astuce : abandonnez les grands repas classiques et mangez plutôt toutes les deux heures un petit en-cas. Oui, un fruit ou quelques pralines comptent aussi. L’idée est de maintenir l’estomac actif et de stimuler la sensation de faim.
Manger dans de plus petites assiettes aide aussi. À l’UZ Leuven, nous avons instauré les demi-portions, et ça marche. Une assiette trop remplie peut décourager. Mais si vous mangez dans une petite assiette à dessert, il est plus facile de terminer, et c’est motivant. »
« Et les compléments alimentaires ? »
Sur ce point, Sophie Hoste est claire : « Si vous souhaitez en prendre, parlez-en toujours à votre médecin, car ils peuvent interagir avec vos traitements. Nous ne conseillons pas d’en consommer de façon préventive. Des prises de sang régulières permettent de détecter rapidement d’éventuelles carences. Le médecin décidera alors si un complément est nécessaire. »
La diététicienne remarque aussi que les patients sont sensibles aux nouveautés autour des “superaliments”, car ils veulent tout essayer pour leur santé. « Nous tempérons cela. Rien ne vous empêche de goûter des baies de goji, mais l’essentiel est de manger varié et nourrissant. Nous privilégions une alimentation riche en énergie et en protéines – sauf dans certains cas où il existe un risque de prise de poids excessive – plutôt que de miser sur des produits prétendument riches en antioxydants. »
Astuce : La Fondation contre le Cancer a dressé un aperçu pratique des compléments alimentaires les plus utilisés, avec leurs applications et leurs avantages ou inconvénients.
Enfin : testez et expérimentez
Essayez de nouvelles choses. Quand vous goûtez un aliment inconnu, vous n’avez pas d’attente, donc pas de déception. Vous pourriez être agréablement surpris. Et parfois, ce que vous n’aimiez pas avant devient soudain délicieux. Gardez l’esprit ouvert et explorez !
Vous avez encore des questions ? Parlez-en à votre médecin ou à votre infirmier·ère. La plupart des hôpitaux disposent d’un·e diététicien·ne spécialisé·e en oncologie qui peut vous guider.